Petite, j’ai voulu un temps être médecin… légiste. J’ai toujours eu un goût assez prononcé et relativement incompris, il faut bien le reconnaître, pour les scènes macabres, les journaux à sensation tels que L’Oeil de la Police, héritiers des canards de l’époque moderne, l’ambiance très noire du 36 quai des Orfèvres, plus tard pour les films d’Olivier Marchal.
C’est comme ça.
Je ne pouvais pas manquer l’exposition dédiée au crime et à la répression qui s’est tenue jusqu’à fin juin au Musée d’Orsay. J’ai été la voir tardivement, deux semaines avant la fin, avec un ami. J’avais eu le temps d’explorer le théma qui lui était consacré à l’Ecume des Pages, un soir vers 23h, théma qui mettait en avant quelques oeuvres bien choisies : Les Mystères de Paris, d’Eugène Sue ; Les Nuits de Paris, de Rétif de la Bretonne ; Les derniers jours d’un condamné de Victor Hugo ; Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, de l’historienne Arlette Farge, et quelques autres ouvrages.
Je suis repartie ce soir-là avec Les Nuits de Paris, mais je n’ai pas malgré toute ma persévérance pas pu dépasser la quatrième (de nuit).
Bref.
Revenons donc à l’exposition. Un joli nom, déjà, emprunté à Dostoïevski ; un projet initié par Robert Badinter ; un cadre historique assez large (de la fin des Lumières à la chute de l’Allemagne nazie), une scénographie assez réussie (dès l’entrée, une guillotine donnait le ton) ; des tableaux ; des sculptures ; des dessins de Victor Hugo (ah bon, il dessinait ?) ; (trop de) couvertures de journaux à sensation ; une porte de cellule en bois, gravée de multiples messages laissés par les prisonniers, des moulages de visages en cire, assez impressionnants de réalisme ; la machine de torture décrite par Kafka dans La colonie pénitentiaire… Du classique, du plus spectaculaire, de l’attendu, du plus surprenant… Un mélange somme toute plutôt réussi.
Très intéressante, la salle consacrée à la phrénologie, théorie de Franz-Joseph Gall qui établit un lien entre la forme de la boîte crânienne et les qualités morales des individus…
La petite danseuse de 14 ans, de Degas, en a fait les frais. Son visage, « où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d’un caractère particulièrement vicieux », laisserait deviner sa propension au mal.
Mon menton me prédestine donc moi aussi à être « une fleur du pavé » !
Huysmans n’est pas mon écrivain préféré pour rien. Heureusement pour moi et toutes les victimes potentielles de la phrénologie, il affirme ainsi dans Là-bas : « Il est vraiment trop facile de déclarer qu’une perturbation des lobes cérébraux produit des assassins et sacrilèges ». Ouf !
Frappante également, la salle dédiée au « système Bertillon », père de l’anthropométrie judiciaire, qui exposait des photographies des criminels de face et de profil et des scènes de crime. Les prémices de la police scientifique ! En 1882, Alphonse Bertillon créé la fiche anthropométrique d’identification et met en place en 1891 le premier fichier d’identification au monde. En 1902, il créera également un premier fichier d’empreintes digitales.
La très belle oeuvre de David Lynch, Do you Want to Know What I Really Think ?, exposée à la Fondation Cartier, et la chaise électrique de Warhol clôturaient l’exposition.
L’ami avec lequel j’étais ce jour-là a trouvé l’expo plutôt « trash ». Il est vrai que les couvertures des journaux à sensation de l’époque allaient assez loin dans le glauque… Mais elles mettent bien en lumière la fascination du public pour le crime et, plus généralement, pour le fait-divers bien sordide.
Vous l’avez ratée ? C’est fort dommage ! Heureusement, le catalogue de l’exposition est très bien fait. Sinon, un petit Découvertes Gallimard, sorti à cette occasion, est bien illustré et documenté, comme toujours.
Crime et Châtiment, Catalogue de l’exposition sous la direction de Jean Clair, Gallimard, 416 pages.
Le Crime, entre horreur et fascination, par Bernard Oudin, collection Découvertes Gallimard, 128 pages.